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Afus
Afus (pluriel: ifassen) : « main »
Terme pan-berbère attesté de l'Egypte à l'Atlantique, de la Kabylie au domaine touareg.
* Le couple afus/ifassen est le plus général: Kabylie, Maroc (tachelhit, tamazight), touareg Ahaggar... Mais on rencontre aussi les formes:
* fus/ifassen, ifessen, avec chute de la voyelle initiale au singulier: Mzab,Ouargla (R. Basset, 1892 et Gourliau, 1898); Beni Snous (Destaing, 1914) ; Tunisie (Provotelle, 1911) ; Sokna (Sarnelli, 1924-25 et Prasse, 1982) ; Siwa (Laoust, 1932)...
* ufes/ifâssen, ifessen: Nefusa (Beguinot, 1931 et Motylinski, 1898) ; Ghadamés (Motylinski, 1904 et Lanfry, 1973).
* efes/ifassan: touareg méridional (Ayr: Alojaly, 1980; Iwllemmeden:Prasse, 1970).
L'alternance vocalique interne u/a et la tension de la sifflante au pluriel /-ss-/ sont l'indice d'une réduction de la racine primitive qui a vraisemblablement perdu une semi-voyelle /w/ dans sa forme actuelle (<- *fws).
Certains parlers (kabyle) connaissent des formes -certainement secondaires- à infixe /t/ ( afttus), à valeur expressive.
Le signifié
La signification concrète première est partout celle de :
* « main» (la paume avec ses cinq doigts).
Elle connaît des extensions diverses, à peu près semblables dans l'ensemble du domaine berbère:
* « membre antérieur» (de l'épaule aux doigts),
* « manche, poignée, anse... » (toute partie d'outil ou d'ustensile servant à la préhension),
* « manche d'habit ».
Partout, le terme a des significations abstraites, fortement symboliques:
* « don, capacité, prédisposition, pouvoir... ». Ainsi, kabyle:
o afus-is, d ddwa : « sa main est un remède» = « il fait des miracles ».
o d afus: « c'est une (question de) main» (= « de don »).
La mise en œuvre de ces capacités (naturelles ou surnaturelles) de la « main », nécessite parfois un « encouragement », une « gratification », d'où kabyle:
* lmelh' ufus : « le sel de la main» = « gratification, cadeau que l'on fait pour obtenir l'intercession/intervention d'un personnage détenteur d'un pouvoir» (sacré ou tout-à-fait prosaïque!).
Afus est ainsi toute personne détentrice d'un pouvoir d'intercession/intervention ; d'où les sens très « actuels» de :
* afus = « faveur, piston... » s ufus = « par piston»
Sans doute reliées à ce sens « d'instrument/moyen par lequel on réalise un objectif », on relève tout un ensemble de significations centrées sur les valeurs de:
* « aide, entr'aide, solidarité, union... ». Ainsi, kabyle:
o dduklen am id'udan ufus : « ils sont unis comme les doigts de la main ».
Et, inversement :
* efk afus fell + affixe personnel : « donner la main sur... » = « abandonner, trahir, ne pas accomplir son devoir de solidarité ».
Ces valeurs et connotations symboliques liées à la notion de « solidarité» sont certainement issues de l'image de la main ouverte à laquelle sont rattachés les cinq doigts. Certains groupes berbères du Maroc (notamment les Chleuhs du Sous) donnent au terme afus un sens carrément technique dans le champ de l'organisation sociale:
* afus : « ensemble de 5 clans (ixsan) » (Jordan, 1934, p. 16 et Laoust, 1921, p. 240).
L'image de la main ouverte avec ses cinq ramifications que sont les doigts est, là, encore plus explicite. Des faits strictement parallèles (avec des moyens différents) se retrouvent chez les Touaregs : tawsit « paume de la main » désigne aussi régulièrement la « tribu» (ensemble de clans) (Foucauld, III, p. 1953).
Des fortes connotations du kabyle (« aide, entr'aide, solidarité, union... »), à l'utilisation technique dans le vocabulaire de l'organisation sociale chez les Chleuhs, il y a continuité évidente.
Au Maroc, on peut même supposer que afus« la main» est parfois, très précisément, le modèle sous-jacent à l'organisation sociale. Le système des « cinq cinquièmes» (étudié par D. M. Hart et E. Gellner, voir bibliographie) des Ayt Atta et de certains groupes rifains (Ayt Waryagher) n'est probablement qu'une exploitation extrême du modèle de la main dans le fonctionnement de la société: la confédération (primitivement: afus?) est constituée de cinq sous-groupes (les doigts) qui assument alternativement la direction de l'ensemble.
Cette forme d'organisation de la société a pu autrefois avoir une extension beaucoup plus large: la tawsit touarègue (« paume »/« tribu ») pourrait bien en être l'indice et les Quinquegentiani (Desanges, 1962) de l'Antiquité la première trace historique.
On notera enfin que (a)fus a, dans les parlers berbères orientaux (Libye, Tunisie: Prasse, 1982; Beguinot, 1931; Sarnelli, 1924...) des utilisations dans la numération, avec la valeur « cinq ». On s'est parfois appuyé sur cet usage pour postuler chez les Berbères un système de numération ancien à base quinaire. Les données actuelles sont trop isolées pour qu'elles permettent d'asseoir sérieusement cette hypothèse, mais elle n'est pas absurde.
On constate en effet dans le système de numération décimale berbère une hétérogénéité troublante: tous les nombres de 5 à 9 présentent une très forte ressemblance avec les formes sémitiques correspondantes. Un emprunt massif ancien n'est peut-être pas à exclure.
BIBLIOGRAPHIE
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* BASSET R. Le dialecte de Syouah, Paris, Leroux, 1890 (jus: p. 64).
* BASSET R. La Zenatia du Mzab, de Ouargla et de l'Oued Rir'. Paris, Leroux, 1892 (p. 71).
* BASSET R. La Zenatia de l'Ouarsenis et du Maghreb central. Paris, Leroux, 1895 (p. 96).
* BEGUINOT F. Il berbero Nefûsi di Fassâto. Roma, Instituto per l'Oriente, 1931 (ufes: p. 230).
* CAMPS- F ABRER H. Les bijoux de Grande Kabylie. Collections du Msée du Bardo et du Centre de Recherches anthropologiques, préhistoriques et ethnographiques, Alger, Mém. XII du C.R.A.P.E., Paris, A.M.G., 1970.
* DALLET J.-M. Dictionnaire kabyle-français... Paris, SELAF, 1982 (afus : p. 232).
* DESANGES J. Catalogue des tribus africaines..., Dakar (Université de), 1962 (Quinquegentiani : p.67).
* DESTAING E. Dictionnaire français-berbère (dialecte des Beni-Snous). Paris, Leroux, 1914 (jus: p.295).
* DESTAING E. Etude sur la tachelhit du Sous. Vocabulaire français-berbère. Paris, LN.! Leroux, 1920 (afus: p. 176).
* FOUCAULD CH. DE. Dictionnaire touareg-français... Paris, Imprimerie Nationale (4 voL), 1951 (afus:I, p. 362).
* GALAND-PERNET P. « Genou» et « force» en berbère, Me7anges Marcel Cohen..., Paris/La Haye, Mouton, 1970, p. 224-262.
* GELLNER E. Saints of the Atlas. London, Weidenfeld et Nicolson, 1969.
* GOURLIAU. Grammaire... mozabite. Miliana, Legendre, 1898 (jus: p. 202).
* HART D.M. Segmentary systems ans the role of « Five Fifths » in Tribal Morocco. R.O.M.M., 1967,3,1,p. 65-95.
* HART D.M. Les Aït 'Atta du Sud-Centre marocain: éléments d'analyse comparative avec les Pakhtuns... Islam, Société et Communauté. Anthropologie du Maghreb (sous la direction d'E. GeUner), Marseille,C.N.R.S., 1981 (Les Cahiers du C.R.E.S.M., 12), p. 55-70.
* JORDAN A. Dictionnaire berbère-français (dialecte taselhait). Rabat, Omnia, 1934 (afus : p. 16).
* LANFRY J. Ghadamés, II, Glossaire. Alger, Le Fichier Périodique, 1973 (ufes: p. 99/ n.O 0441).
* LAOUST E. Mots et choses berbères. Paris, Challamael, 1920 (afus : p. 118).
* LAOUST E. Cours de berbère marocain... Paris, Challamel, 1921 (afus : p. 240). LAOUST E. Siwa. Paris,Leroux, 1932 (jus: p. 255).
* MERCIER H. Vocabulaire et textes berbères dans le dialecte des Aii Izdeg. Rabat, R. Céré, 1937 (afus: p. 280).
* MORIN-BARDE M. et TRECOLLE G. (Ait) Ana. Encyclopédie Berbère, 1975, 14, 8 p. MOTYLINSKI A. DE *CALASSANTI. Le Djebel Nefousa..., Paris, Leroux, 1898 (ufes: p. 139).
* MOTYLINSKI A. DE CALASSANTI. Le dialecte berbère de Redames. Paris, Leroux, .1904 (ufes : p. 131).
* PRASSE K.-G. Vocabulaire touareg (tawllemmet de l'est-français). Copenhague, ronéotypé, 1970 (efus: p. 107).
* PRASSE K.-G. Elfoqaha. Encyclopédie Berbère, 1981,28 (il/us: 5).
* PRASSE K.-G. Sokni. Encyclopédie Berbère, 1982, 31.
* PROVOTELLE Dr. Étude sur la tamazight ou zenatia de Qalaât Es-sened. Paris, Leroux, 1911 (jus: p. 122).
* ROUBET F.-E. A propos du décor chiromorphe d'une poterie kabyle. Libyca, t. XIII, 1965, p. 287-309.
* SARNELLI T. Il dialmo berbero di Sokna. Napoli, Società Africana d'Italia (jus: p. 20).
S. CHAKER
Source Initiale: Encyclopédie Berbère, Livre II
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Ces valeurs et connotations symboliques liées à la notion de « solidarité» sont certainement issues de l'image de la main ouverte à laquelle sont rattachés les cinq doigts. Certains groupes berbères du Maroc (notamment les Chleuhs du Sous) donnent au terme afus un sens carrément technique dans le champ de l'organisation sociale:
* afus : « ensemble de 5 clans (ixsan) » (Jordan, 1934, p. 16 et Laoust, 1921, p. 240).
L'image de la main ouverte avec ses cinq ramifications que sont les doigts est, là, encore plus explicite. Des faits strictement parallèles (avec des moyens différents) se retrouvent chez les Touaregs : tawsit « paume de la main » désigne aussi régulièrement la « tribu» (ensemble de clans) (Foucauld, III, p. 1953).
Des fortes connotations du kabyle (« aide, entr'aide, solidarité, union... »), à l'utilisation technique dans le vocabulaire de l'organisation sociale chez les Chleuhs, il y a continuité évidente.
Au Maroc, on peut même supposer que afus« la main» est parfois, très précisément, le modèle sous-jacent à l'organisation sociale. Le système des « cinq cinquièmes» (étudié par D. M. Hart et E. Gellner, voir bibliographie) des Ayt Atta et de certains groupes rifains (Ayt Waryagher) n'est probablement qu'une exploitation extrême du modèle de la main dans le fonctionnement de la société: la confédération (primitivement: afus?) est constituée de cinq sous-groupes (les doigts) qui assument alternativement la direction de l'ensemble.
Cette forme d'organisation de la société a pu autrefois avoir une extension beaucoup plus large: la tawsit touarègue (« paume »/« tribu ») pourrait bien en être l'indice et les Quinquegentiani (Desanges, 1962) de l'Antiquité la première trace historique."
En kabyle on désigne le système clanique au nombre de 5 par le terme "Adeni idudan" "la fédération des 5" en référence au nombre de doigt d'une main.
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Oui
Mais on appelle la mains gauche Azelmith !
Je connais pas comment appelle-t-on la main droite?
Y a t il de relation ?
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La main droite se dit "ayfus" si je ne me trompe pas.
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En Allemand et en anglais aussi : On dit Foot-ball en Allemand Foos-ball.
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